Historiks #09 : Memory Hack !

Historiks #09 : Memory Hack !

TL;DR

Cet article, dans la continuité du précédent, fait l'étude de "Memory Full", un livre qui prétend décrire l'histoire de la demoscene CPC.

L'auteur a abordé le phénomène des intros crack de jeux, qui a été pour beaucoup de plateformes le point de départ des scènes démos.

Nous allons voir que ce sujet aurait mérité une investigation un peu plus sérieuse.


Archéologie numérique

Patrimoine : Jeux et démos

Si en 2023, tout monde peut voir fonctionner des programmes écrits au début des années 80 jusqu'à la démocratisation de PC assez puissants au début des années 90, c'est qu'un travail énorme de sauvegarde du patrimoine a eu lieu.

C'est principalement grâce à l'émulation que le transfert du patrimoine "rétro" a débuté dans les années 90. Afin de nourrir les premiers émulateurs, des formats numériques ont été définis pour permettre le stockage des données présentes sur les anciens supports d'information.

On peut saluer ici le travail remarquable de quelques passionnés (Bruno Kukulcan, Denis Dlfrsilver, Maxit, Amaury BdcIron, Zisquier) et qui ont "dumpé" ces dernières années des trésors de la logithèque CPC.

Le "dump" est un processus qui consiste à réaliser une image fidèle sur un support moderne à partir des anciens supports des années 80/90, comme les cassettes audio, les disquettes et les cartouches.

De nouveaux types de fichiers ont été créés comme les ".dsk" pour les disquettes, ".tap" pour les cassettes audio, ".rom" pour les roms qui équipaient les machines ou les jeux en cartouches. Au fur et à mesure, ces formats se sont affinés pour permettre de mieux prendre en compte la réalité de ces supports, notamment lorsque les protections ont elle-mêmes été considérées comme un élément indissociable de ce patrimoine.

Même si c'est de plus en plus difficile, il est encore possible de récupérer des originaux de jeux rares oubliés dans des greniers et encore lisibles malgré les années. Ce travail est long et fastidieux, car il est aussi accompagné d'un travail de conservation de tout ce qui peut se rapporter au logiciel (jaquettes, photos des supports, solutions, publicités, commentaires, interview d'auteurs, anecdotes, typages...).

On peut citer CPC-Power comme étant actuellement le portail de référence avec la base de données CPC la plus complète à ce jour.

CPC-POWER, sauvegarde du patrimoine de l’Amstrad CPC
CPC-POWER/CPCSOFTS est une base de donnees conservant le patrimoine de notre jeunesse pour les machines suivantes : ordinateur amstrad cpc 464, cpc 472, cpc 664, cpc 6128, cpc 464+, cpc 6128+ ainsi que la console gx 4000.

Je profite également de l'occasion pour souligner le travail remarquable réalisé par Frédéric BELLEC avec son portail "Amstrad Cpc Memoire Ecrite", qui est une véritable mine d'informations sur les documents relatifs au CPC:

AMSTRAD CPC MEMOIRE ECRITE - Préservation du patrimoine littéraire du micro-ordinateur AMSTRAD CPC
Amstrad CPC Mémoire Écrite

Beaucoup de programmes commercialisés à l'époque ont malheureusement été perdus, notamment ceux qui ont eu peu de succès.

J'en ai fait l'expérience avec le jeu que j'avais développé en 1985 pour Cobra Soft. J'ai mis des années à récupérer, auprès de certains collectionneurs, des enregistrements audio du jeu sur les différentes plateformes, et notamment sur les ZX SPECTRUM et THOMSON. Il a ensuite été nécessaire de traiter ces données brutes avec les passionnés de ces plateformes pour obtenir une conversion numérique de ces données, puis faire quelques corrections.

Jaquette du jeu Atlantis (Oric/Atmos/Spectrum)
Pour les plus jeunes, ceci est une cassette audio qui contenait des programmes

Je m'étais déjà livré à cet exercice difficile avec mes différents programmes personnels sur cassette pour Oric, mais je n'ai malheureusement pas pu tout sauver, la chaleur ayant eu raison de mes premiers programmes. Mon père a eu la brillante idée de mettre mon ancienne armoire dans un local surchauffé en été...😱

Les démos font partie d'un phénomène culturel dissocié du monde du jeu vidéo. La sauvegarde de ce patrimoine a été plus sensible car tout n'a pas circulé de la même manière. Une grande partie des acteurs qui composaient les scènes démo sont purement et simplement passés à autre chose, remisant leur machine au grenier dans le meilleur des cas.

En ce qui concerne les "intros" placés devant les jeux crackés, le niveau de perte a été colossal car sur CPC il n'existait pas réellement d'unité de "scène de crack" comme ce fut le cas pour la "scène démo" dont j'ai dressé l'historique (réel) dans mes billets précédents.

J'ai fait partie de ces premiers à transférer une très grosse partie de mes collections de disquettes vers 1994/1995 (environ 400 disquettes) et en rendre public une partie (les disquettes qui ne contenaient pas de previews ou de courriers "writter") afin que certaines choses ne soient pas irrémédiablement perdues.

J'ai disposé assez tôt d'un lecteur de disquettes 5''1/4 "fait maison" sur mon CPC, ce qui m'a permis de réaliser un archivage que peu de personnes pouvaient se permettre à l'époque.

Si on devait prioriser les chose en terme de sauvegarde de ce patrimoine, on peut sans aucun doute considérer que les jeux et les démos les mieux distribuées ont bien survécu, contrairement aux "intros cracks".

Patrimoine : Intro Crack

Les réseaux de cracks étaient plutôt assez régionaux, dépassant assez rarement les frontières des départements pour de multiples raisons. Ces réseaux étaient en premier lieu constitués d'adolescents scolarisés et il faut se rappeler qu'au début des années 80, envoyer des cassettes ou disquettes par la poste était non seulement cher, mais hasardeux.

Tout le monde n'a pas disposé immédiatement de lecteurs de disquettes, et lorsque ce fut le cas chez Amstrad, le choix du format 3" a eu des conséquences catastrophiques, car les disquettes n'étaient pas seulement chères (60-70FF de l'époque), mais elles étaient aussi introuvables. Le format 3" avait d'ailleurs déjà pratiquement perdu le combat face au format 3"1/2 adopté par les IBM PC. Hebdogiciel s'était fait l'écho de cette pénurie :

Hebdogiciel 122, 14 février 1986

Ce qu'il faut bien comprendre, c'est qu'à l'exception des crackers qui ont "continué" sur la voie du "demomaking" ou qui avaient un peu plus de visibilité en étant actifs au niveau de la région parisienne, énormément d'intros de crack ont littéralement disparu.

Dans son roman, l'auteur me cite parmi les crackers car "on vit" circuler mon nom ou mes intros :

💬
"Bien sûr, avec le temps, les crackers ont commencé à chercher un peu de notoriété et à vouloir diffuser leurs oeuvres de façon plus large. On vit ainsi circuler les noms des premiers crackers : 664-Cracking (futur NWC), PHG (futur XOR), les Crackers Beuh 1'1, CAC, Merlin (futur Longshot), etc" Memory Full, page 24

Sans s'attacher aux personnes qui crackaient des jeux, il est assez naïf de considérer qu'en recherche de "notoriété", ils avaient des plans de "diffusion de leurs oeuvres".

Cependant, sans les transferts que j'ai réalisés de mes programmes, il n'y aurait aucune "trace" de mon activité de cracker dans les "archives" numériques. Mes intros n'auraient simplement pas "existé". Et il faut bien avoir conscience que peu de personnes ont pensé ou eu les moyens de sauvegarder leurs "créations".

Une vision hors sol...

L'auteur, à défaut de disposer de suffisamment de ressources numériques, et sans avoir contacté nombre d'acteurs de l'époque, en arrive à émettre une vision du passé hors-sol.

Il considère par exemple qu'il n'y avait (pratiquement) pas d'intro crack entre 1984 et 1986.

💬
"Si les intros cracks étaient quasi-inexistantes de 1984 à 1986, elles en restent encore aux balbutiements entre 1987 et 1988." Memory full, page 26.

Pire encore, au détour d'une phrase alambiquée, il croit que les premiers crackers sont "apparus" comme par enchantement 4 ans après le lancement du CPC, donc en 1988:

💬
"Quatre ans à peine après son lancement, on pouvait déjà trouver sur CPC des jeux proposant rasters, split rasters, multimodes, fullscreens, scrollings hardware, ruptures, samples, digitalisations vocales, moteurs 3D, sphere mapping, starfields 2D et 3D, rolling sprites, entre autres ! C'est à cette période que firent leur apparition à une échelle relativement importante les premiers crackers. Il était en effet tentant de s'échanger des jeux en les copiant plutôt qu'en les achetant neufs. Mais les éditeurs, bien conscients de ce problème, commencèrent à intégrer des protections dans les jeux pour les rendre plus difficilement copiables." Memory Full, page 24

Il pense par ailleurs qu'il est impossible de connaître les débuts avec précision...

💬
"Cependant, les premiers cracks dont on peut encore trouver une trace sur CPC datent de 1985-1986. Ils ne contiennent généralement qu'une signature, passent rarement par une remise en fichiers du jeu, et ne proposent pas de cheats mode (vies infinies, choix du niveau, etc.). Concrètement, le jeu est seulement rendu copiable. Puisque seuls ceux ayant été diffusés assez largement ont été conservés, il est impossible de connaître ces débuts avec précision" Memory Full, page 24

Si on ne peut pas connaître les "débuts avec précision", à quoi servent ses spéculations, surtout lorsqu'elles sont basées sur des archives numériques trompeuses et que certains acteurs de l'époque ont été volontairement mis de côté.

Si des crackers existaient avant 1988, c'est eux qui étaient les "premiers", pour reprendre la thématique chère à l'auteur.

Le phénomène des protections de jeux

A défaut d'avoir consulté des "crackers" et "éditeurs de jeux" de l'époque ou retrouvé assez d'archives, l'auteur pense qu'il est impossible de dater quoi que ce soit et décrète sur cette base que les "premiers crackers" ont fait leur apparition de manière "importante" environ 4 ans après le lancement du CPC, et que les éditeurs ont commencé à protéger les jeux à cette époque.

Il complète le tableau en indiquant que les premières "intros" datent de 1987/1988 🤣.

Il faut ici rappeler que la micro-informatique familiale n'a pas débuté avec le CPC et les éditeurs n'ont pas "attendu" avant de protéger leurs jeux, vu ce qu'il s'était passé sur Apple 2 (mais c'est une autre histoire).

Les premiers CPC 464 sont arrivés en France en septembre 1984, et déjà les éditeurs, comme OCEAN, protégeaient leurs jeux et prenaient la chose très au sérieux, comme on peut le découvrir dans ce reportage d'époque :

Il ne faut jamais douter de la détermination d'un adolescent qui souhaite jouer au lieu de faire ses devoirs. 😂

Les jeux ont été crackés en masse dès le premier jour et il n'a pas fallu attendre 2 ans pour les voir apparaître, ni même 4 ans avant de voir apparaître des intros ! Que l'auteur du roman raconte qu'il n'en ait pas de trace ne fait pas force d'histoire, et c'est surtout absolument faux pour une personne qui a réellement vécu cette période.

Cela s'explique simplement.

De nombreux acheteurs du CPC, comme moi, possédaient déjà une machine de première génération (Oric, C64, Zx Spectrum, TI99-4a, Dragon 32 ...). J'ai créé Magic Soft sur Oric en 1983, avant même d'entendre parler du CPC. Mon acolyte Nicolas, qui m'a appris le Z80A, possédait un TI99-4A. Comme bien d'autres, je n'ai pas attendu le CPC pour mettre une intro devant un jeu cracké.

Tous ces utilisateurs avaient déjà pris "goût" aux jeux gratuits et affronté des protections devenues très coriaces sur leur plateforme. Et sur Oric, par exemple, il y a eu des trucs assez costauds. Autant dire qu'ils n'ont pas été arrêtés bien longtemps par la "protection" de "Roland in the caves" ou de "Fruity Franck" 🍓

L'auteur n'a pu se baser que sur le patrimoine que moi et plusieurs personnes avons réussi à préserver à la fin des années 90, et surtout ce qui a été rendu public. Il aurait été pertinent de poser la question à des crackers ayant commencé avant 1987/1988 pour le savoir...

Classement de crackers...

L'auteur se permet de souligner la médiocrité des rares cracks de 1985-1986 en racontant que les jeux n'étaient pas au format fichier ou disposant de "cheat mode" intégré. Sachant que la majorité de ce patrimoine a disparu, ces jugements de valeur sont des opinions sans objet.

Sur les disquettes que j'ai rendu publiques, et notamment mes cracks en 1986, les jeux étaient bien mis au format fichier lorsque ça présentait un intérêt au niveau du stockage, puisque les supports valaient le prix d'un rein.

Mon prof de philo à l'époque s'était spécialisé dans la création de "cheat mode" tout ce qu'il y a de plus propre.

Certains jeux sur cassette ont d'ailleurs été transférés sur disque lorsque seule la version cassette était disponible ou que cela présentait un intérêt au regard de la protection.

J'ai par exemple en mémoire le cas du jeu "The Way of the Tiger" en 1986. Avec Nicolas, nous avions souffert car le loader "cassette" du jeu rechargeait le code du "loader" sur lui-même et il a donc fallu remplacer toutes les routines cassettes par des routines disques auto-écrasables.

Un apprentissage du Z80A à la dure ! 😓

L'auteur l'a zappé dans son roman, mais mes deux premières intros datent de 1986. Ces "intros" n'ont certes pas de "scrolling" ou de "musique" mais l'une d'elle faisait appel au CRTC (flipping de page et redimensionnement dynamique). Lorsqu'on devait caser 3 jeux par face, il était nécessaire de limiter la place accordée à l'intro pour éviter qu'elle soit supprimée.

Les premiers réseaux !

Zéro internet ! Zéro portable !

Cela va parler aux plus anciens, mais en France dans les années 80, le téléphone coûtait un bras dès qu'on appelait loin.

Au delà de 50 kilomètres, le tarif dépendait d'une des 465 circonscriptions et d'une unité de temps variable, souvent inférieure à la minute.

Les parents sont alors rapidement devenu très vigilants dès que le téléphone était utilisé par leur progéniture, et à plus forte raison ensuite avec l'arrivée du minitel dès 1980 car le système de facturation Télétel était particulièrement juteux pour France Telecom.

Il était assez difficile d'échanger avec des personnes qui habitaient à l'autre bout de la France (et on ne parle même pas des autres pays, à une époque ou l'euro n'existait pas et ou l'anglais n'était pas vulgarisé comme aujourd'hui).

Pour initier des contacts, il fallait passer par des annonces comportant un numéro de téléphone ou se limiter à quelques rarissimes clubs informatiques.

Micro Système était un de ces premiers mensuels de vulgarisation informatique qui a permis à des utilisateurs d'une même plateforme de rentrer en contact. Si vous avez tenté de lire le disque ci-dessous sur une platine vinyle en mai 1983....vous êtes vieux ! 😅

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Micro Système N°31 - Mai 83

C'est grâce à ces annonces que j'ai pu échanger avec des programmeurs de talent comme le créateur du jeu "Le manoir du docteur Génius" sur Oric, un des premiers jeux d'aventure "graphique" français qui a servi de tremplin à la société Loriciels.

Ce contact a également créé plus tard le jeu Orphée sur CPC, qui utilisait de la synthèse vocale sur un principe déjà très bien connu des utilisateurs Oric, puisque cette machine dispose du même processeur sonore que le CPC.

La fiabilité des supports et des échanges...

Les échanges postaux des premières cassettes ou disquettes étaient une loterie, car les "copies" ne passaient pas toujours et parfois 1 programme sur 2 était corrompu.

Les cassettes et disquettes souffraient de problèmes divers liés soit au transport, soit à la qualité des supports, ou même encore aux différences d'azimutage des lecteurs entre les machines, puisqu'à part le 464, peu de machines disposaient d'un lecteur intégré. Si le sujet vous intéresse :

Amstraaaddd Cipissiii!

Dans le domaine, Thomson avait fait très fort car ils imposaient des lecteurs de cassettes dédiés qui se révélaient assez mauvais. Ils avaient même réussi à créer un drive ne pouvant pas dépasser 80K par disquette.

Merci à Khomenor pour l'image

La diversité des lecteurs de cassette branchés sur les différentes plateformes, comme les 664 ou 6128, n'a donc pas arrangé les choses, et je pense que certains ont du garder un souvenir ému de quelques "Read Error b" ou s'étonner que leur disquette ou cassette en "retour" était devenue inutilisable une fois passée dans le lecteur du correspondant.

Expédier des cassettes et/ou disquettes par la poste coûtait également cher, surtout pour des adolescents sans le sou, et ce même si des "astuces" de truands dite "colle en stick" circulaient pour permettre la réutilisation des timbres.

Tout ceci explique pourquoi les "scènes de crackers" se sont principalement développées localement sans dépasser les limites régionales.

Les motivations...

En général, l'intention première était de pouvoir jouer gratuitement et ne pas se laisser berner par des jaquettes alléchantes masquant un jeu médiocre.

La recherche de notoriété n'était pas du tout le moteur de cette activité pour beaucoup. Comprendre et casser une protection était souvent bien plus intéressant que le logiciel qu'elle protégeait. Et pour mon petit réseau, c'était juste le fait de pouvoir disposer de jeux gratuits et échangeables.

Les "cracks" faisaient également gagner de la place lorsqu'un jeu occupait toute une face de disquette à cause de la protection, et permettait également de faire fonctionner le jeu à partir d'un drive secondaire sans avoir à bidouiller avec son fer à souder dans les entrailles de la machine pour "inverser" les lecteurs via un interrupteur.

Il était également courant que les écrans de présentation soient sacrifiés pour gagner quelques kilo-octets de stockage, surtout avant que ces derniers soient compressés.

Il arrivait aussi que les "intros" soient supprimées. La raison majeure était d'abord économique, à cause des problèmes de taille de support au regard de l'augmentation croissante des jeux produits par les éditeurs et de ce que j'ai expliqué plus haut. Les petites guerres d'égo d'adolescents évoquées par l'auteur sont juste des potins à la noix. Les personnes qui vendaient les jeux ne souhaitaient évidemment pas qu'on puisse savoir d'où venait leur "marchandise".

Il a fallu attendre que les drives 5''1/4 se démocratisent un peu plus pour que les programmes "crackés" cessent d'être "élagués".

C'est pour cette raison sans doute que, bien des années plus tard, j'ai découvert de nombreux écrans de présentation de jeux.

Le réseau en Île de France...

On peut supposer qu'au niveau de la région parisienne, plus densément peuplée avec un réseau plus maillé, certains crackers avaient atteint une plus grande "notoriété", comme ce fut le cas pour X-OR, Celtic Gang, TB Crackers, Exocet et quelques autres, car ils ont bénéficié d'une publicité liée aux "pokes" publiés par Amstrad 100% grâce à leur aide :

Rubrique "Pokes au rapport", Amstrad 100% N°11, Janvier1989

Leurs productions se sont alors retrouvées sur un plus grand nombre de disquettes. Je n'avais cependant jamais vu de jeux crackés par ces derniers circuler dans ma région avant de rencontrer Fred Crazy en région parisienne en 1989.

Eux-mêmes d'ailleurs ne connaissaient pas davantage le nom de mon groupe de crackers (Magic Soft), ni les groupes situés dans d'autres régions.

Les scènes de cracks se cantonnaient même parfois à des villes moyennes.

Finalement, la seule chose qui a peut-être dépassé les frontières de ma région fut un programme que j'ai appelé "Anti Multiface" (1987).

Ce programme permettait d'utiliser un programme sauvé avec la cartouche sans que la cartouche soit connectée, et offrait aussi la possibilité de démarrer le jeu à partir du second drive, à une époque ou la cartouche était encensée et plébiscitée dans de très nombreux magazines anglais.

Il est cependant fort probable que ce programme soit arrivé en région parisienne via mes premiers échanges en août 1989 avec Rubi.

Robby, l'ex rédacteur en chef du magazine Amstrad 100%, me l'a montré en 1990, lors de ma première venue dans les locaux du journal sans savoir que j'en étais l'auteur. Il m'a appris qu'il y avait un bug dans certains cas et j'ai donc pu corriger le problème.

Pour l'anecdote, ce programme était initialement destiné à mon ancien professeur de philosophie au lycée qui possédait l'interface et avait son propre réseau spécialisé dans les jeux "budgets".

C'est aussi grâce à sa Multiface 2 que j'avais récupéré la rom de la cartouche et que j'ai pu élaborer la protection que j'ai posée sur la démo "Revolog".

Je ne me rappelle plus la date exacte, mais Richard Fairhurst (CRTC) m'avait sollicité car il cherchait à collecter un maximum de logiciels libres afin d'étoffer sa bibliothèque "Public Domain". C'est sans doute ainsi que ce programme, ainsi que Magic Dos (820k/disquette), MPack (rsx gestion de mémoire) ou même le "B-Asic" se sont propagés en Angleterre.

Le "Public Domain" en Angleterre était très apprécié et plébiscité par plusieurs magazines, comme Amstrad Action ou Cpc Attack :

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Amstrad Action 104, mai 1994
Amstrad Action 89, février 1993

Ces exemples montrent que sans un appui journalistique à cette époque, il était improbable que des intros de crack puissent circuler bien loin ou que la moindre "notoriété" puisse exister au sein d'un réseau peu dense et très fragmenté.

Et par voie de conséquence, de nombreuses intros sur CPC n'ont pas survécu lorsque les petits réseaux se sont effondrés, et que leur utilisateurs ont remisé leurs machines dans les greniers.

La scène anglaise de démo n'a d'ailleurs jamais vraiment décollé, car la presse a commencé à évoquer les démos en 1992/1993, ce qui était déjà bien tard pour la machine, et comparativement aux scènes allemande ou française.


Il peut sembler logique de chercher un trait d'union entre les intros et les démos au regard de ce qui s'est produit sur toutes les autres scènes.

Mais au regard des erreurs d'appréciation que j'ai évoqué, il est assez réducteur de conclure "qu'on n'invente pas le demomaking deux fois" en racontant que les deux phénomènes ont débuté ensemble.

Sans inventer n'importe quoi à partir d'archives numériques perdues, il faut juste se souvenir que les demomakers ont pour une grande majorité acquis leurs compétences par le déplombage en mode autodidacte et que c'est bien une bonne partie de ces personnes qu'on a retrouvé dans le monde du demomaking lorsque cet univers a lui même été plébiscité par la presse qui avait survécu.

Et ce n'est pas pour rien si en France jusqu'en 1989, beaucoup de groupes avaient un nom contenant encore la lettre "C" (Cracking) dans le nom de leur groupe...


Nous verrons prochainement comment l'auteur essaie de faire croire que Logon System était un groupe d'imposteurs profitant d'une reconnaissance injustement acquise...

Tout un programme !

Longshot / Logon System